dimanche 30 juin 2013

Supercherie

Maintenant que nous nous connaissons un peu mieux, je peux vous l'avouer : j'ai menti. Paspeurdesvampires est une grosse supercherie. A ma décharge, je ne le savais pas moi-même jusqu'à tout récemment. Mais voilà : j'ai peur des vampires. Pire : je suis terrorisée.

"Il est aussi facile de se tromper soi-même sans s'en apercevoir qu'il est difficile de tromper les autres sans qu'ils s'en aperçoivent" écrivait La Rochefoucauld.

Et Marc Lévy, ce moraliste des temps modernes, d'ajouter : "Le pire mensonge est de se mentir à soi-même."

Certes, mais soyez indulgents. Je vais tout vous raconter.

Il y a quelques semaines, j'ai commencé à me creuser la tête pour savoir comment rejoindre Budapest le mardi 2 juillet. Sou Linne et moi avons rendez-vous en Hongrie pour une semaine de vacances et à vrai dire je pensais que Budapest, c'était la porte à côté.

Oui mais voilà : les trains roumains ne sont pas réputés pour leur rapidité. Il faut compter 19 heures pour un trajet Iasi-Budapest. Ce qui signifie, bien sûr, passer la nuit dans un train. Or - ne me demandez pas pourquoi - je suis persuadée que les vampires se servent des wagons-couchettes pour choisir leurs nouvelles victimes. Bref, seule, l'expérience ne me dit trop rien. Quant aux billets d'avion, ils sont hors de prix. Conclusion ? J'ai repoussé l'échéance le plus possible. Et puis cette semaine, il a bien fallu prendre une décision.

Je pars donc demain pour Cluj, où je ferai une courte étape (après 9h de bus, ma première nuit en couchsurfing !). Mardi matin, je prends le train pour Budapest. A 18h, si tout va bien, je serai dans la capitale hongroise.

Pour le retour, ne me demandez pas : je n'en ai aucune idée. Mais j'espère retrouver Iasi aux alentours du 7-8 juillet. 

C'est promis, je reviens avec un baluchon plein d'histoires et de photographies. Et renonce à tout jamais à citer Marc Lévy.


PS : pour ceux qui se demandent ce que c'est que cette manie de surfer sur les canapés...le principe du coushsurfing est assez fantastique : des gens du monde entier mettent à votre disposition un lit ou un canapé, pour une nuit, deux nuits, une semaine. Vous pouvez leur envoyer une demande, et s'ils acceptent de vous accueillir, vous êtes logés gratuitement. C'est ici. Avis aux couchsurfeurs : en septembre, j'ouvre mon canapé à Lyon !

jeudi 27 juin 2013

Au marché

Voica a proposé à Kai et Sibylle de faire un tour dans le grand marché à ciel ouvert de Iasi. Il est 9 heures. Kai vient de passer une nuit à écrire (il vit la nuit et dort le jour, si j'ai bien compris). Sibylle émerge à peine, et se laisse porter par les odeurs et les bruits qui animent la place.


 Par-dessus tout j'aime les marchés.

 Leurs passants,

 ...et leurs passantes,

 leurs couleurs,

leurs promesses.

Les produits laitiers sont vendus dans une aire couverte. Des dizaines de vendeurs nous tendent les bras, prêts à nous faire goûter leurs fromages de vache, chèvre ou brebis. C'est assez étrange pour moi : il n'y a qu'un type de fromage vendu ici, le caş, une énorme boule ronde au goût plus ou moins prononcé. Voica en achète plusieurs kilos pour sa mère : l'occasion de passer de vendeur en vendeur pour une dégustation matinale.

 

Le premier achat de Kai : un kilo de bananes. Je me laisse griser par l'atmosphère des lieux, et oublie qu'il me faudra porter tout jusqu'à la maison, qui n'est pas tout près. J'ai dans ma besace abricots, pêches, cerises, fraises, tomates, concombres, pamplemousses, et une bouteille pleine de yaourt de brebis. Tout cela pour quelques euros et quelques boutades (manifestement, mon accent amuse beaucoup les commerçants).

Les fruits ne sont pas bons, ils sont savoureux. Pour ne pas perdre ceux qui sont déjà très mûrs (et qui ont un peu souffert pendant le trajet), je me prépare un brunch aux œufs, pain complet et fruits du marché.

mardi 25 juin 2013

Et pourtant, elle tourne



Qui n’a jamais rêvé de passer la nuit avec un écrivain américain ? je parle d’une nuit de discussion passionnée et éventuellement de franche ébriété – n’allez pas chercher plus loin. Non, je n’ai pas rencontré Philip Roth : mieux que ça. J’ai rencontré Kai.

J’ai invité dimanche dernier Eugen, Ruxandra et Voica à passer la soirée chez moi. Paolo sillonne les routes de Roumanie avec sa famille et il a laissé sa chambre à notre disposition. Avec en prime un terrible cadeau : du fromage sarde, fraîchement débarqué de sa terre natale (la mère de Paolo est arrivée à Iasi avec une valise pleine de vivres). Le genre de délices qui vous poursuit ad vitam aeternam. Vous y goûtez une fois, vous ne vous en remettez pas. 

Voica me dit : « nous louons le petit appartement près de chez nous à un Américain, je peux lui proposer de venir ? Il arrive d’Allemagne et passe un mois à Iasi pour écrire. Il est bloqué dans la rédaction de son récit et cherche le dépaysement. »

Il n’en faut pas plus pour éveiller ma curiosité. Pourquoi diable Kai a-t-il choisi Iasi pour relancer sa plume ? Mystère. Je me figure l’homme au pied d’un immense mur blanc. Se demandant s’il faut le prendre d’assaut, le contourner, creuser un trou. Et prenant finalement un billet d’avion pour Iasi.

Chacun est venu avec une bouteille de vin. Je ne dirais pas que Ruxandra et Eugen sont de vieilles connaissances, mais ils comptent parmi les premières personnes que j’ai rencontrées à Iasi, et certainement parmi celles avec qui je me sens le plus d’affinités. Il y a quelque chose de fou et de génial en eux : génial au sens premier du terme, parce qu’ils ont je crois une intelligence hors du commun. Ajoutez à cela un anglais parfait et une élocution rapide : vous comprendrez que je me sente souvent perdue (et toute, toute petite). Je ne parle même pas de l’accent américain de Kai qui me rend à moitié inintelligibles ses propos. Pour la première fois, la langue me paraît une barrière insurmontable. Je bricole tant bien que mal avec ce que j’ai à ma disposition. Je m’obstine. Je veux bien être la cinquième roue du carrosse, pourvu qu’elle tourne. Ruxandra a beaucoup à dire sur l’ouverture d’esprit des gens en Roumanie, et ne mâche pas ses mots. Kai dessine à gros traits sa vision des rapports humains et des attirances qui s’y trament. Tout le monde boit ses paroles. Tout le monde boit du vin. Il est quatre heures du matin quand nous arrivons à la dernière goutte. C’était une nuit pour tout réinventer.

Malheureusement ce genre d’épiphanies a un coût, et le prix se paie au réveil, le lendemain matin. Une balade autour du lac Ciric est encore le meilleur remède contre les maux de tête. 

En partant, Kai, qui sait de Voica que je me suis lancée dans l’écriture de nouvelles et que je rame, me dit « je te donne une semaine pour finir ta première pièce ». Et devant ma mine circonspecte : « Just do it. I know you can do it. »
Je vous laisse, j’ai une nouvelle à écrire.

vendredi 21 juin 2013

Noirs, blancs

La suite ! La suite !

Voici la seconde partie des photos de Teodor Bordeianu.






Et si vous avez le goût d'en voir plus, un lien avec quelques autres clichés.

jeudi 20 juin 2013

Un invité, couleurs

Il y a une semaine, je rencontrai dans un bar Teodor Bordeianu, un étudiant moldave (de la République de Moldavie) qui passe un an en Roumanie, à Iasi.
Ou bien était-ce il y a deux semaines ? J'ai perdu la notion du temps.
Bref, Teodor est un personnage intriguant. Il écrit des nouvelles. Il fait de la photographie. En regardant certains clichés qu'il a pris à Iasi, je me suis dit : c'est exactement ça. Je lui ai proposé de choisir une dizaine de photos et de me les envoyer pour que je les publie ici.

Voici la première partie. C'est un autre regard posé sur Iasi. D'abord parce que ces images me donnent à voir la ville différemment. Ensuite parce que je suis surprise par le choix de Teodor (j'aime les surprises). La suite demain, en noir et blanc.









mercredi 19 juin 2013

Une histoire d'oiseaux, la nuit

Il est presque 4 heures du matin à La Baza quand Paolo me demande : "tu n'as pas l'impression d'être dans un film de Pasolini ?"

Je n'aurais pas exprimé les choses comme ça mais oui, il y a bien du Pasolini dans l'air.

Je suis fascinée par la qualité cinématographique de certains moments vécus. Soudain, vous suspendez votre geste, vous faites un pas en arrière et vous devenez spectateur.

Dans la salle du fond, trois filles dansent sur une musique démodée (et donc très branchée). Autour d'elles, les gens sont lancés dans des conversations interminables. L'excitation est palpable : il y a beaucoup d'étrangers venus fêter leur départ de Roumanie.

La Baza est un bar à l'humeur changeante. Comme dans un restaurant, il y a deux services : en première partie de soirée, vous y trouverez des Roumains de tous âges attablés autour d'une bière, mais un peu plus tard dans la nuit, vous ne verrez plus que des étudiants Erasmus. Ils arrivent après minuit, heureux, bruyants, fin saouls - leur entrée est souvent assez spectaculaire. C'est l'heure des shots de tequila et des embrassades, l'heure des carrosses redevenus citrouilles.

Ces filles-là s'en fichent, qui dansent dans un rai de lumière.

Je ne sais pas à quel film pense Paolo. Il me le dira demain : Uccellacci e uccellini.




lundi 17 juin 2013

Conversation Erasmus

- Salut, moi c'est Sam.

- Oui, il me semble qu'on s'est déjà croisé (en fait c'est la quatrième fois qu'on se rencontre et que tu me dis "Salut, moi c'est Sam" mais je ne veux pas enfoncer le clou)...

- Ah. Et toi c'est comment ?

- Moi Sibylle.

- Ouh la la ! Et alors tu es Erasmus ici ?

- Non, je suis venue six mois pour ma thèse.

- Ouh la la ! Et alors tu fais une thèse en quoi ?

- En littérature !

- Ouh la la c'est ouf ça une thèse en littérature vraiment dingue attends il faut TROP qu'on devienne amis sur facebook là !!

- Mmmh (on est déjà amis sur facebook, Sam)... tu veux une bière ?

[ouverture de la bière, fin de la conversation]

dimanche 16 juin 2013

Street Delivery


En 2012, le festival Street Delivery prenait possession des rues de Bucarest et de Timişoara. En 2013, Iasi rentre dans la danse et transforme la rue Vasile Pogor en immense laboratoire artistique. L'idée est simple : pendant trois jours, l'endroit est fermé à la circulation et les créateurs ont carte blanche. Acteurs, peintres, musiciens, artisans, jongleurs, skateurs, tatoueurs, équilibristes, architectes, c'est un patchwork dans lequel on prend plaisir à se perdre.

Je m'y rends seule en début d'après-midi : j'ai décidé de m'accorder une journée de totale liberté, sans lecture ni rédaction. C'est l'occasion de bavarder à droite à gauche, de faire une sieste au soleil, d'écouter un concert de beat box. Peu à peu débarquent tous les amis : Paolo, Vicky, Cecilia et sa chienne Donna, Christelle-Laure, Letizia, Ionuţ...

Et moi qui pensais rester quelques heures, je finis par jeter l'ancre.



 Un plan de Iasi où chacun est invité à laisser un mot : "Ici j'ai donné mon premier baiser", "Ici se trouve mon école", "C'est là que je voudrais être enterré"... Je punaise le coin de rue où j'ai rencontré Paolo.


Première leçon de yukulélé pour Paolo.


 
Vicky funambule.

La guerre des couleurs.

Après la bataille.

Je rentre chez moi à minuit, après plusieurs concerts, quelques bières, d'étranges et belles rencontres. Encore ! encore ! encore !

vendredi 14 juin 2013

Abracadabra

Comme par enchantement, les amis-fantômes ont réapparu tous à la fois. Les Roumains ne sont donc pas solubles dans une pinte de bière : il ont simplement un présence au monde (ou à Sibylle) intermittente.

Dana me dit "ma mère t'a préparé du cozonac, je viens à la bibliothèque pour te l'apporter"...elle vient avec sa sœur Roxana, et nous en profitons pour passer un moment au café Sage. Je bois un thé vert au gingembre, clous de girofle et lait de soja : eh bien vous ne me croirez jamais, mais c'est très bon. Quant au cozonac, c'est tout simplement le meilleur que j'aie pu goûter. Les tranches sont immenses et moelleuses, je serais presque tentée de m'en servir d'oreiller.
[Le cozonac est une brioche traditionnelle avec des noix, du cacao et parfois des raisins. Je ne suis pas adepte des pâtisseries roumaines, mais celle-là ne pouvait que me plaire.]

Mihai me demande : "je peux passer prendre un thé ?". Nous partageons un moment assis en tailleur sur le minuscule balcon de mon appartement. Notre conversation est un beau méli-mélo de roumain, de français et d'anglais. Je suis heureuse de le retrouver. Comme nous ne sommes jamais d'accord sur rien, les discussions avec Mihai sont savoureuses et interminables. Il me raconte ses aventures en Allemagne, où il est allé acheter une voiture d'occasion. Il me montre les clés avec un immense sourire : presque on dirait qu'il a trouvé la clé des champs. Je me rends compte à quel point la voiture ici est synonyme de liberté. Il projette déjà d'aller en Ukraine, en France (il est passé à Strasbourg le mois dernier, où il a retrouvé Guillaume, notre ami de l'Urban Balkan Project).


Ionuţ, enfin, téléphone à Paolo et nous invite à boire un verre. Il fête l'expansion de son activité : jusqu'à présent, il distribuait jus de fruits, thé et chocolat aux cafés et bars de Iasi. Maintenant, il vend aussi du vin. Nous allons à Atelierul de Bere, où il commande un, puis deux, puis trois pichets. Le rouge est bon, le blanc excellent. La soirée s'étire, s'étire, s'étire. Paolo et moi rentrons au milieu de la nuit, un tantinet aériens, pour reprendre une expression chère à Giuseppe. Toutes ces retrouvailles m'ont revigorée.

mercredi 12 juin 2013

Période Acaju

Je continue mon tour-d'horizon-des-bonnes-adresses-à-Iasi, entamé ici avec le Teatru Fix et Bolta Rece. 

Le bar qui a toutes mes faveurs, ces derniers temps, s'appelle Acaju. Il est caché dans une petite rue du vieux quartier et c'est Christelle-Laure qui un soir d'avril me l'a fait découvrir.

Je pourrais diviser mon séjour à Iasi en café-périodes : 

il y a eu la période Tafrali, au tout début, lorsque je lisais Minulescu en roumain et que j'arpentais l'université en quête de professeurs
(mais les professeurs ne venaient pas aux rendez-vous, et Minulescu dort à présent sur une étagère)

il y a eu la période Sage, où pas un jour ne s'écoulait sans que j'essaie un nouveau breuvage. Maintenant je connais la carte par cœur, et j'ai un petit faible pour les mélanges maison au gingembre frais et aux épices. J'ai sympathisé avec le propriétaire, un grand monsieur barbu à la voix si douce qu'elle semble presque un murmure. Et je continue à venir y travailler de temps en temps.

il y a eu la période Taverna : d'accord, c'est un bar plutôt qu'un café, mais vous pouvez y boire un verre à toute heure du jour et de la nuit. Il faut dire que ma vie alors était plutôt nocturne et que je ne perdais pas une occasion de partager une bière avec Voica. On s'interrogeait sur la couleur des choux et j'apprenais quelques pas de danse traditionnelle. Mais Voica est introuvable aujourd'hui, comme Ionuţ, comme Marian et Dana (les Roumains sont-ils solubles dans une pinte de bière, je me le demande).

...et puis voici la période Acaju, plus estivale et colorée. La terrasse est envahie de dessins farfelus, de vélos, de plantes vertes. Acaju cultive son image de bar créatif, alternatif et militant. On pourrait se croire à Lyon (au Court-Circuit), à Montréal (au Café Santropol), à Séville. Dans quelques années, je parie que les gens pourront acheter ici un panier bio et des graines de chia. Bref, je suis à la maison, avec les mangeurs de graines.
J'y retrouve Anni, Cecilia, Christelle-Laure pour un maté latte. Anni part pour l'Allemagne cette semaine, ça mérite bien une dernière tournée.


Letizia nous rejoint un peu plus tard, elle prépare assidûment ses examens de médecine.

Elle entame avec Anni une partie d'échecs, Cecilia se lance dans la confection d'une jupe. Ici le temps a une autre manière de s'écouler.


dimanche 9 juin 2013

Achetez, vous êtes filmé

Dimanche 9 juin : un grand ciel bleu et une après-midi blanche (à colorier comme bon vous semble). Je décide d'aller faire un tour, appareil photo en poche. Allez savoir pourquoi, mes pas me conduisent jusqu'au Palas Mall, le temple de la consommation. D'habitude ce lieu me donne plutôt la nausée, mais aujourd'hui je suis curieuse de tout, et j'ai envie de goûter l'atmosphère.

Si vous vous demandez où sont passés les habitants de Iasi un dimanche après-midi, n'hésitez pas : ils sont autour du Palas Mall. Le centre commercial est tout récent et son emplacement a été vivement critiqué : il se trouve dans le centre historique, juste à côté du Palais de la Culture. 

Le Palais de la Culture

 ... et en contrechamp : le Palas Mall


320 000 m² de bonheur (paiement par carte bancaire en trois fois sans frais offre exceptionnelle). Si vous allez sur le site internet du Palas, on vous y expliquera que ce Mall est plus qu'un centre commercial : c'est "un style de vie", "une ville au cœur de la ville".

Les familles s'installent dans l'herbe pour pique-niquer sur fond de musique lounge (l'endroit n'est pas seulement truffé de caméras : il y a aussi des enceintes).

Le vert est trop vert et le bleu trop bleu : on n'y croit pas. J'ai l'impression soudain d'avoir atterri à Suburbia, vous savez, cet étrange endroit que découvre Edward aux Mains d'Argent lorsqu'il quitte son château natal ?




samedi 8 juin 2013

Souriez, vous êtes payé

M. me dit, découragé : "Mon salaire vient d'être revu à la baisse". Parce que l'université ne se porte pas si bien que ça, les heures d'enseignement assurées par des non titulaires (entendez : des gens qui ont terminé leur thèse et donnent des cours en attendant de décrocher un poste stable) sont désormais payées 5.5 lei.
1 heure = 5.5 lei = 1.20 euros
(net)
Pour quelqu'un comme M., qui assure une quinzaine d'heures par semaine, 
1 mois (4 semaines) = 330 lei = 73 euros.

Ce qui signifie : un deuxième emploi, nocturne, et l'impossibilité de quitter la maison des parents (à 35 ans).

Souriez, vous êtes payé.

vendredi 7 juin 2013

Teatru Fix, jazz et naturisme

Iasi est en effervescence. Tout le monde s'en va, ou projette de s'en aller. Au début du mois de juin, les étudiants passent leurs dernières épreuves et s'envolent. Les Erasmus regagnent leurs pénates aux quatre coins de l'Europe. Les Roumains retrouvent leur famille à la campagne, en Italie parfois. Rares sont ceux dont les parents habitent à Iasi.

Paolo a déjà l'esprit au Guatemala, Anni décolle dans une semaine pour l'Allemagne, Andrea est partie avant-hier, Sibylle reste résolument vissée à la Roumanie. Mon départ est encore loin et je me sens étrangère à toute cette agitation.

Tout de même, je suis heureuse de partager un dernier verre, un dernier repas, avant de voir disparaître les uns et les autres.

J'ai enfin trouvé un restaurant roumain digne de ce nom à Iasi : jusqu'à présent, je pouvais vous donner des adresses chinoises, libanaises, italiennes aussi, mais pour la cuisine locale, nimic (rien). Si vous faites un tour par ici, passez donc à Bolta Rece, leurs assiettes valent le détour.

Je prends le temps, entre deux lectures, de rendre visite à mes bars préférés. Hier soir, au Teatru Fix, un concert rendait hommage à Charlie Parker. En termes de musique, Iasi ne cesse de me surprendre. J'ai vu ici d'excellents concerts de jazz, de blues, de classique, d'électro, de trip hop, de beat box.

Au Teatru Fix, vous avez le choix entre bière, bière et bière. La pièce est en sous-sol et la fumée de cigarette tellement épaisse que l'air semble palpable. Je retrouve les mêmes têtes : les amateurs de jazz et de théâtre d'impro sont des habitués du lieu.

Et puis je fais des rencontres. Un immense garçon aux immenses lunettes me raconte qu'il traduit des textes du roumain au français. Il met en scène des pièces de théâtre et je lui promets de venir à la prochaine représentation, le 14 juin. Son français est impeccable. Il m'explique pourquoi : "depuis trois ans, chaque été, je vais vendre des glaces sur une plage naturiste près de Bordeaux". Et devant mon sourire amusé : "Tu n'imagines pas, c'est absolument génial... Les naturistes sont plus polis, plus aimables, moins xénophobes, moins homophobes, et de façon générale terriblement plus sympathiques".

mardi 4 juin 2013

Anywhere out of Iasi



Vendredi, à minuit, Paolo frappe à la porte de ma chambre : "j'en ai marre, on s'en va ?". Oui, allons-nous-en !

Samedi matin, nous prenons un bus pour Târgu Neamţ. Ce n’est pas une ville extraordinaire mais elle a le mérite, pour commencer, de n’être pas Iasi. C’est aussi une très vieille cité, qui a connu son temps de gloire aux XIVe et XVe siècles. Cetatea Neamţ (la citadelle de Neamţ) en témoigne. Ils ont un peu saboté la restauration mais le lieu reste fascinant. Nous nous baladons à l’intérieur, passons de salle en salle.




Les tours offrent une vue imprenable sur les environs.




Mais nous avons la bougeotte et Târgu Neamţ ne nous retient pas. De retour de notre excursion moyenâgeuse, nous prenons un nouveau bus pour Piatra Neamţ. Pour désembrouiller tout ça :
- le Neamţ est un judeţ de la région moldave, dans le nord-est de la Roumanie
- le judeţ est à la Roumanie ce que le département est à la France : une division administrative
- Piatra Neamţ est le chef-lieu du judeţ de Neamţ
- Piatra signifie « pierre » en roumain, et neamţ = « allemand ».

Je suis déjà venue ici il y a quelques mois : c’était avec Gaël et Christelle-Laure, et nous n’avons rien vu de la ville, puisque sitôt sortis du bus nous avons pris les petites routes de campagne vers le monastère Horaiţa.

La vieille ville est très belle. Les rues et les places débordent d’enfants : nous sommes le premier juin, jour de leur fête. Nous nous attablons en terrasse, mangeons un morceau : il est 16h, c'est le premier vrai repas de la journée.


Loin au-dessus de nos têtes, on voit des télécabines orange traverser le ciel. C’est un projet qui vient juste d’être achevé, avec le soutien de l’Union Européenne : le but est de développer le potentiel touristique de Piatra Neamţ (la ville est une station de ski en hiver). Je propose à Paolo d’essayer, et nous nous hissons à 65 mètres au-dessus du sol (ou 650 mètres, pour moi c'est tout comme). 


Le point d’arrivée : une colline qui a été soigneusement ravagée pour l’occasion. Nous nous enfonçons dans les bois, le temps se dissout.


Plus tard dans la nuit vient l'heure des bières non filtrées et du vin râpeux.