De retour de Budapest, j’ai un petit pincement au cœur. Les
jours ont filé si vite, me laissant tout juste le temps de reprendre haleine.
Est-il possible que Sou Linne déjà reparte pour Séoul ? C’est plus fort
que moi, je n’arrive pas à m’y faire. Mais reprenons depuis le début.
J’ai bien fait d’avoir peur des vampires : en refusant de
prendre le train de nuit, j’ai eu droit à de belles rencontres. D’abord chez Antonia,
une couchsurfeuse qui m’a accueillie à Cluj, ensuite en auberge de jeunesse. Il
ne faut pas moins de 18 heures de train pour rejoindre Budapest depuis Iasi :
l’occasion de commencer (et de finir) quelques bons romans, de bavarder avec
ses voisins de compartiment et d’explorer la campagne roumaine.
La première partie du trajet, j’ai choisi de la faire en bus.
Lundi 1er juillet, à 7h15, je pars pour Cluj-Napoca. Les
minibus ont leur charme, mais il est très difficile de s’y installer
confortablement. Mes genoux se cognent contre le siège devant moi, ma liberté
de mouvement est réduite à peau de chagrin. Par bonheur, le chauffeur a un goût
prononcé pour la musique traditionnelle et nous épargne les radios grésillantes
qui passent en boucle les mêmes chansons (la mauvaise pop est à l’honneur en
Roumanie). J’ai l’impression d’avoir atterri dans la version roumaine d’un film
de Kusturica. Par la fenêtre, j’observe la vie qui agite les villages :
passage de charrettes, attente, jeu d’échec, vente de fruits du potager. Une
famille tsigane entre et s’installe à côté de moi, femmes belles, larges et
exubérantes, homme sec et marqué par le temps. Tout le monde ignore leur
présence, mais je ne peux pas me mettre au diapason : j’ai du mal à les
quitter des yeux, comme fascinée par tant de couleurs et de force de vie. Ils
descendent quelques villages plus loin, avec tout leur barda. Une femme à côté
de moi vomit sa bile quand nous nous engageons dans les routes sinueuses des
Carpates. Il faut dire que le chauffeur est pressé d’arriver : il slalome
entre les voies et roule parfois à contresens pour ne pas réduire sa vitesse
dans les virages. Un passager fait le signe de croix compulsivement. Je songe
que c’est un miracle d’arriver sain et sauf avec un tel conducteur. Mais les
miracles existent : même si mon cœur manque plusieurs fois de s’arrêter,
nous entrons entiers (et en avance) dans la ville de Cluj. J’ai eu mon quota de
sensations fortes : dorénavant, c’est décidé, je prendrai le train.
La prochaine fois, j'aimerais visiter Cluj, la Roumanie, le pays que tu aimes tant.
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