Je retrouve Iasi sous un ciel tout gris. Après une journée de
transports en tous genres (bus-train-avion-avion-taxi : départ d’Amiens à
5h47, arrivée vers 19h), je n’ai qu’une envie : me pelotonner dans une
chambre bien chaude et prendre une soupe encore plus chaude. Manque de bol :
le chauffage, inexplicablement, ne marche plus dans l’appartement...qui est-ce
qui va dormir en manteau ce soir ? (Manque de bol au sens propre : je
mange ma soupe dans un verre.)
Je ne sais pas combien de gens ont rêvé de pouvoir se téléporter :
eh bien, l’avion me donne entière satisfaction sur ce terrain-là. Vous me
direz, c’est un peu long et peu cher, non ? Oui, mais il n’empêche que j’ai
l’impression de disparaître à un endroit et de surgir dans un autre, sans que
le lien qui mène de l’un à l’autre soit clairement établi. D’autant plus que le
voyage me met dans un état second, de quasi déconnexion. C’est une conversation
avec P.-Y. qui m’a mis la puce à l’oreille (au sens le moins érotique du terme). Faire un trajet, me dit-il, c’est être hors espace et hors temps. Dans
un train, j’ai beau voir les paysages défiler, je ne comprends pas le mouvement
imprimé à mon corps, je me sens statique. C’est encore plus flagrant dans les
aéroports, où tout déplacement devient presque abstrait.
Mais enfin, la téléportation a opéré, je suis arrivée à Iasi
avec toutes mes valises (33 kg de livres, de fringues et de...chocolat). Pas de
navette reliant l’aéroport au centre-ville, il faut donc prendre un taxi. Une
policière m’indique ceux qui risquent le moins de m’entourlouper. Je rentre
dans la voiture d’un ogre. Sérieusement, je n’ai jamais vu un bonhomme pareil :
1m85, 150 kg, il doit se recroqueviller pour tenir sur son siège. Son visage
est défiguré et il n’a pas l’air de rire tous les jours. Son taxi est rempli de
croix et d’icônes suspendues (voire scotchées) un peu partout. Remarquez, vu la
façon dont il conduit, il a bien besoin d’un petit coup de pouce divin. Une
fois arrivée à bon port, je lui donne un gros pourboire : je ne sais pas
trop si c’est parce qu’il m’est sympathique ou parce que je suis trop heureuse
d’être encore en vie...
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