Tout un poème.
Jeudi, je bataille ferme pour faire rentrer mes affaires dans une valise
récalcitrante, puis je quitte mon premier appartement.
Paolo m’aide à déménager – je suis dans un état second, comme abasourdie
par tant de gentillesse. Après avoir monté quatre étages avec « toute la
culture française » (je cite) sur son dos, il est encore souriant. En fait
de culture française, il s’agit surtout d’une accumulation de bricoles :
gel douche, lessive, pot de miel, thèse de doctorat.
À la tombée du jour, nous nous mettons en route pour le Palas Mall, le
lieu de tous les désirs et de tous les fantasmes consuméristes. Si un jour vous
venez à Iasi et que vous vous demandez, intrigué, où sont les habitants, ne
cherchez pas plus loin : ils traînent à Mall. Et que font-ils à
Mall ? Ils consomment, pardi. Ils achètent des fringues, ils achètent des
jeux, ils achètent des chaussures à talons, ils achètent des chaussures sans
talons, ils commandent des glaces, des cocktails, des shoots d’existence à 10
lei pièce. Et dans cet incroyable Palais, le clou du spectacle s’appelle
Auchan. Vous y entrez gratuitement, et vous y faites de sacrées affaires parce
qu’aujourd’hui tout spécialement pour vous 1 acheté = 1 acheté.
Bref, voilà Paolo et Sibylle errant dans un dédale de rayons, en quête
d’un improbable morceau de parmesan. Il faudra s’y faire : le parmesan en
Roumanie, ça n’existe pas, ça n’existe pas. Heureusement, il nous reste des
milliers d’autres produits pour nous consoler. Ici, chaque chose se décline
sous trente formes différents : beurre sans beurre, beurre avec 10% de
beurre, beurre avec 20% de beurre, beurre 100% pur beurre.
Paolo fait ses achats très consciencieusement : il lit, compare,
soupèse, et dubitatif, se demande si ça marchera dans telle ou telle recette
(je ne sais pas dans quel monde culinaire il évolue, mais manifestement un univers
beaucoup plus élaboré que le mien). Je traduis quand je peux, et je le regarde
faire, amusée, épuisée. J’ai dormi quatre heures la nuit précédente et je
donnerais tout pour une bonne nuit de sommeil. Pour cela, il faudra attendre un
peu : le temps de prendre possession des lieux, de retrouver un état
d’esprit relativement serein.
Après deux heures de douloureuses interrogations (quelle marque pour
l’huile d’olive ?), notre duo franco-italien passe à la caisse. Quand je
me rends compte que par mégarde Paolo a acheté des pâtes au maïs, je suis prise
d’un vrai fou rire. Pour lui, c’est un épisode plutôt traumatisant : il me
fait promettre de ne jamais plus le laisser faire ce genre d’hérésie.
À la maison, il se met directement aux fourneaux. Je vais toquer à la
porte des voisins pour leur emprunter un tire-bouchon : nous fêtons notre
premier repas en colocation avec du vin de la vallée de Prahova (une région
proche de Bucarest). Paolo prépare du poisson en papillote. Non vraiment, je
crois que ça va le faire.
Wow voila la nouvelle aventure qui commence!
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