mardi 25 juin 2013

Et pourtant, elle tourne



Qui n’a jamais rêvé de passer la nuit avec un écrivain américain ? je parle d’une nuit de discussion passionnée et éventuellement de franche ébriété – n’allez pas chercher plus loin. Non, je n’ai pas rencontré Philip Roth : mieux que ça. J’ai rencontré Kai.

J’ai invité dimanche dernier Eugen, Ruxandra et Voica à passer la soirée chez moi. Paolo sillonne les routes de Roumanie avec sa famille et il a laissé sa chambre à notre disposition. Avec en prime un terrible cadeau : du fromage sarde, fraîchement débarqué de sa terre natale (la mère de Paolo est arrivée à Iasi avec une valise pleine de vivres). Le genre de délices qui vous poursuit ad vitam aeternam. Vous y goûtez une fois, vous ne vous en remettez pas. 

Voica me dit : « nous louons le petit appartement près de chez nous à un Américain, je peux lui proposer de venir ? Il arrive d’Allemagne et passe un mois à Iasi pour écrire. Il est bloqué dans la rédaction de son récit et cherche le dépaysement. »

Il n’en faut pas plus pour éveiller ma curiosité. Pourquoi diable Kai a-t-il choisi Iasi pour relancer sa plume ? Mystère. Je me figure l’homme au pied d’un immense mur blanc. Se demandant s’il faut le prendre d’assaut, le contourner, creuser un trou. Et prenant finalement un billet d’avion pour Iasi.

Chacun est venu avec une bouteille de vin. Je ne dirais pas que Ruxandra et Eugen sont de vieilles connaissances, mais ils comptent parmi les premières personnes que j’ai rencontrées à Iasi, et certainement parmi celles avec qui je me sens le plus d’affinités. Il y a quelque chose de fou et de génial en eux : génial au sens premier du terme, parce qu’ils ont je crois une intelligence hors du commun. Ajoutez à cela un anglais parfait et une élocution rapide : vous comprendrez que je me sente souvent perdue (et toute, toute petite). Je ne parle même pas de l’accent américain de Kai qui me rend à moitié inintelligibles ses propos. Pour la première fois, la langue me paraît une barrière insurmontable. Je bricole tant bien que mal avec ce que j’ai à ma disposition. Je m’obstine. Je veux bien être la cinquième roue du carrosse, pourvu qu’elle tourne. Ruxandra a beaucoup à dire sur l’ouverture d’esprit des gens en Roumanie, et ne mâche pas ses mots. Kai dessine à gros traits sa vision des rapports humains et des attirances qui s’y trament. Tout le monde boit ses paroles. Tout le monde boit du vin. Il est quatre heures du matin quand nous arrivons à la dernière goutte. C’était une nuit pour tout réinventer.

Malheureusement ce genre d’épiphanies a un coût, et le prix se paie au réveil, le lendemain matin. Une balade autour du lac Ciric est encore le meilleur remède contre les maux de tête. 

En partant, Kai, qui sait de Voica que je me suis lancée dans l’écriture de nouvelles et que je rame, me dit « je te donne une semaine pour finir ta première pièce ». Et devant ma mine circonspecte : « Just do it. I know you can do it. »
Je vous laisse, j’ai une nouvelle à écrire.

8 commentaires:

  1. Des nouvelles pendant l'été, et en novembre, le NaNoWriMo !

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    1. Ohoh, je ne connaissais pas le NaNoWriMo ! Tu tentes / tu as déjà tenté l'expérience ?
      (pour ceux à qui ce nom ne dit rien, il s'agit du National Novel Writing Month : les participants ont un mois tout pile pour écrire un roman de 50 000 mots - environ 175 pages. Ca se passe tous les ans, du 1er au 30 novembre :
      http://www.nanowrimo.org/en)

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  2. J'ai tenté l'an dernier, mais je suis restée coincée au milieu, je m'endormais toujours au lieu d'écrire. (J'ai essayé de terminer hors délai : http://hauts-talons-sur-la-lune.tumblr.com/ et puis j'ai été rattrapée par des cours à donner... La fin est complètement planifiée, je devrais essayer de terminer cet été, tiens.)
    J'espère que je vais retenter cette année ! Tu veux être mon writing buddy ?

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    1. Hum, s'il s'avère que je suis incapable d'écrire une nouvelle de dix pages en une semaine, je crains que le NaNoWriMo soit pour moi complètement hors de portée... Mais je vais lire ton texte de ce pas, j'ai un souvenir très fort de ton premier récit, CFDB.

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  3. Ohlala, mais le monde est beaucoup trop petit !
    Je suis tombée sur ce blog par hasard, via une requête Google -genre pas la blogosphère "habituelle" où tout le monde se connaît et plus rien ne nous surprend...-, et vu que vous causez de CFDB, il s'agit bien de la seule et unique Emmylou que j'ai jamais connue... Je suis bouche bée là. Vous vous connaissez "en vrai" ?
    (Anne, from Switzerland, qui a vécu quelques mois à Cluj)

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    1. Ahah décidément ! oui, je pense que le monde rétrécit un petit peu chaque nuit, parce que ce genre de découvertes m'arrive de plus en plus souvent ! Oui, je connais Emmylou "en vrai", même si ça fait une éternité que je ne l'ai pas vue en chair et en os. Je connais même une Anne de Switzerland, de Kazibao, mais ce n'est peut-être pas toi, faut pas exagérer :)

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  4. Bah écoute, c'est possiblement possible, je suis une Anne de Switzerland qui a fréquenté avec assiduité Kazibao ! :) Tu venais sur 'Tu lis quoi ?' par hasard ?

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    1. Ouiouioui :) Eh bien, nous nous sommes rencontrées chez cette même Emmylou, tu m'as offert un CD que j'ai toujours d'ailleurs, j'ai pris une photo de Salomé bâillant à la station de métro "Baille" et...et je te propose de continuer la discussion à cette adresse : sibylle.buchy@gmail.com :)

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