vendredi 12 juillet 2013

Bains

Je ne savais pas grand-chose en allant à Budapest, si ce n'est qu'il fallait découvrir ses eaux thermales. Sou Linne et moi avons repéré sur un plan de la ville des différents endroits : quatre à Buda, un à Pest, pas loin de notre hôtel. Nous ne nous sommes pas interrogées plus avant : j'ignorais alors que chaque bain a ses couleurs, son époque, son ambiance propre. Ses tarifs, ses horaires, ses habitudes (mixte ou non-mixte, avec ou sans maillot). Bref, nous nous sommes lancées à l'aveuglette, et c'est très bien comme ça. Il est bon parfois de se laisser porter par le hasard. Je n'aurais sans doute jamais sans cela choisi Széchenyi : par peur des touristes,  à cause du prix, de la taille démesurée...que sais-je encore. 

Ma toute première réaction a été un mouvement de recul : c'est excessif, je n'ai pas besoin de tout cela. Et puis, avec une entrée à 14 euros, y a-t-il un seul Hongrois dans les parages ? Qui peut se payer ça dans un pays où le salaire moyen avoisine les 500 euros mensuel (450 euros selon cet article du Monde) ?

Et pourtant, nous ne rencontrons que des Hongrois. Il est vrai qu'on croise des gens de toutes les nationalités mais ce qui me frappe le plus c'est la présence de familles hongroises au grand complet : enfants, parents et grands-parents viennent s'installer ici pour la journée, munis de magazines, de sandwiches et d'immenses serviettes. J'apprendrai par la suite qu'on peut prendre un abonnement à l'année, qui est relativement abordable pour les Budapestois.  Dans le grand bassin extérieur - je me frotte les yeux mais non, je ne rêve pas - deux hommes disputent une partie d'échecs. Ils sont immergés dans l'eau : seuls les épaules, les bras et la tête sont à l'air libre. Et appuyés sur un petit promontoire de pierre, ils jouent. Cette drôle de pratique a contribué à la célébrité des bains Széchenyi. Je me rends compte, stupéfaite, que le guide acheté par Sou Linne en a même fait sa photo de couverture :


Autour des trois piscines extérieures se déploie un labyrinthe de salles d'eau. Nous déambulons un moment sans trop savoir que faire, où aller : un bain à 28, 30, 32, 34, 36, 38 degrés ? Hammam, sauna ? Un vieux monsieur, ému par notre errance, vient à notre rescousse. Il nous explique par le menu ce que nous pouvons trouver ici, et comment s'organise ce dédale aquatique.

Nous nous engageons dans un hammam, et deux minutes plus tard me voilà en grande conversation avec une habitante de Budapest venue à Széchenyi pour la première fois. "C'est toujours sa propre ville qu'on connaît le moins..." me dit-elle, comme pour s'excuser. "Et puis avec le travail quotidien, les soucis qui s'accumulent...enfin, ça fait trente-six ans que j'habite à Budapest, quand même, et je ne suis jamais allée aux bains." Elle a manifestement beaucoup de choses à raconter, et déverse tout par flots ininterrompus. Heureusement que mon oreille s'est habituée à l'anglais ces derniers mois : en Hongrie, on parle vite et bien. J'ai encore beaucoup de progrès à faire. La discussion s'arrête aussi brusquement qu'elle a commencé : "Bon ben, salut", nous dit la bonne femme avant de se lever et de disparaître.

Sou Linne s'éclipse aussi : elle a opté pour une formule massage. 20 minutes de délices : c'est un Hongrois qui s'occupe de sa nuque et de son dos, et dénoue les douleurs qui la tenaillent depuis son déménagement. Elle m'a dit d'abord : "je ne vais pas faire ça ! te laisser seule pendant vingt minutes ?" Je crois secrètement qu'elle est un ange gardien. Mais je la rassure : dans ce petit paradis, vingt minutes égalent une poignée de secondes. Hors de question de laisser tomber le massage. Pendant qu'elle livre son dos à des mains magiques, je décide de faire un tour au sauna. Je rentre dans le premier qui se présente à moi : c'est aussi le plus chaud (80-100°). Un petit garçon et son papa m'expliquent que je devrai ensuite plonger dans une piscine à 16° pour revigorer mon corps. Ce que je fais, après un premier hoquet de surprise.

Quand Sou Linne revient, je suis définitivement conquise par les bains Széchenyi. Nous nous attardons plusieurs heures, essayons toutes les températures, tous les types de chaleur (chaleur humide du hammam, chaleur sèche du sauna, piscines froides, tièdes, grandes ou petites).

Et sortons de là bienheureuses, purifiées, affamées.

Pour continuer à rêver en images : c'est par ici.

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