vendredi 31 mai 2013

Élégance à la roumaine

Pour prendre la température d'une ville, rien ne vaut un bon vieux café en terrasse. Comme Paolo et moi n'avons pas trop peur des silences, je passe beaucoup de temps à observer ceux et celles qui m'entourent. Aujourd'hui Paolo me dit : "ce que j'aime ici, c'est que les filles font un vrai effort vestimentaire. Regarde celle-là. Quelle classe ! On est loin de l'éternel jeans-baskets." Je baisse les yeux : je suis en jeans. Demain, promis, je mets une robe.

Sur ce terrain-là, les Roumaines font preuve d'une exigence indéniable. Je l'ai noté dès mon arrivée et cela ne cesse de me surprendre. C'est d'ailleurs d'autant plus frappant que c'est une spécificité féminine. En version mâle, le Roumain est nettement moins soucieux de son apparence.

Les filles, donc, font tous les efforts du monde pour atteindre la perfection esthétique. Quant aux résultats, ils sont plus ou moins heureux.

En marchant dans la rue, je me suis demandée : et si je devais faire une typologie ? je sais qu'en dressant des listes on tombe vite dans la caricature, mais dans chaque caricature il y a bien une petite part de vérité, non ? Pour les jeunes femmes entre 20 et 35/40 ans, je dirais qu'il y a quatre profils bien distincts.

* La fille en jeans. Paolo dira ce qu'il voudra, mais il y en a ici comme ailleurs. Évidemment, dans cette catégorie, le slim est un incontournable.

* La fille qui porte un collant en guise en pantalon, sous prétexte que ça s'appelle leggin.
[Mihai un jour m'a beaucoup surprise. Nous étions attablés dans un café lorsqu'une demoiselle est passée, fesses rebondies moulées dans un tissu qui tenait plutôt de la seconde peau que du pantalon. Il m'a dit : "ces filles je les déteste, je les tuerais." Et devant mon regard interrogateur, il a ajouté (lui qui est par ailleurs si pudique !) : "non mais c'est vrai, je vais devenir fou, moi, elles m'agressent toute la journée avec leurs seins comme ça [geste], à se balader à poil en trémoussant le derrière, et moi je ne pense plus qu'à ça, fesses, seins, fesses, seins".]

* La fille habillée en poupée. Sans blague, c'est la première fois que je vois ça hors écran TV. Vous croisez quelqu'un - vous n'en croyez pas vos yeux. Vous vous retournez et non, vous n'avez pas rêvé. C'est une véritable poupée barbie, avec nœuds roses sur la robe rose, serre-tête qui brille et blush fushia. Cela suscite chez moi à peu près autant d'incompréhension que d'amusement (c'est tellement rose).

*La fille terriblement élégante, dont les tailleurs et/ou les robes de soirées semblent faits sur mesure. Là je peux dire que je suis éblouie. Pas une chose ne détonne : ongles, peau, maquillage, rien n'est laissé au hasard. Moi qui ai un faible pour les fringues larges, colorées et même (disons-le tout net) pour les styles brouillons et dépareillés, je dois avouer que chez les Roumaines un tel souci de perfection me rassure. Il témoigne d'un vrai désir d'ordonnancement du monde. Et pour quelques minutes, je veux bien croire que le cosmos succèdera au chaos.

Puis je retourne à mes poètes, et j'opte en fin de compte pour le chaos.

Cette obsession de l'apparence donne parfois lieu à des situations comiques. Dans l'entrée de la bibliothèque centrale, un immense miroir recouvre le mur. Chaque matin, les filles se plantent devant et s'inspectent sous toutes les coutures avant d'aller travailler. Elles le font sans aucune retenue. Vérifient le galbe de leurs fesses et l'impact de leur décolleté comme si c'était la chose la plus naturelle du monde. Là encore, j'admire la performance. Quand je n'avais pas de miroir chez moi et que j'allais à la bibliothèque tous les jours (ô temps révolu), j'essayais furtivement d'attraper mon reflet en passant. Mais je le faisais comme une voleuse, et je ne me serais jamais arrêtée pour m'examiner en détail.

J'ai eu droit à deux explications pour ce phénomène. Bogdan : "les Roumaines sont sexy, et elles assument". Mihai : "les Roumaines sont vulgaires, et elles ne sont pas encore au courant".

Parfois je m'installe dans l'entrée de la bibliothèque et je fais mine d'attendre quelqu'un, pour voir. Si pour elles être femme est un art, je veux bien me faire spectatrice.

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