À 10h, je reçois un message de Gaël : « Coca et moi on
va visiter un monastère. Tu viens ? » Je viens. Nous prenons un bus
qui nous conduit à la périphérie de Iasi. De là, il faut gravir une petite
colline pour atteindre Cetăţuia, dont la tour de guet domine les environs
(aujourd’hui, des vignobles s’étendent de toute part).
Le monastère est ceint de murailles, ce qui en faisait une vraie
place forte à l’heure des invasions. C’est le voïvode Gheorghe Duca (prince et
chef militaire de la Moldavie) qui l’a fait construire au XVIIème siècle. Dans
l’église, les fresques sont d’époque.
Coca, qui a mené des études en histoire de
l’art dans sa jeunesse, me donne des précisions techniques. Son français est parfois
hésitant et quand elle bute sur un mot, elle dit « tu me comprends »
sur un ton catégorique.
D’ailleurs Coca ne semble jamais poser de questions : elle
ne dit pas « tu as faim ? » mais « oui tu as faim »,
ni « ça te plaît ? » mais « oui ça te plaît ». Je suis
tombée sous son charme à la minute où je l’ai rencontrée : cheveux rouge
sombre, foulard vert sur la tête, du khôl autour des yeux et un immense
sourire. Elle est résolument optimiste. Je pense pourtant qu’elle a passé des
moments difficiles, aussi bien pendant la période communiste que lors de l’ouverture
des frontières. Je la sens à la fois proche et très différente d’Angela, toujours
si mélancolique. Elles doivent avoir le même âge, et toutes deux ont vu leurs
enfants partir vers l’Europe dès que cela fut possible. Rosana, la fille de
Coca, est devenue amie avec Gaël à Rome et quelques semaines plus tard, Gaël a
débarqué à Iasi pour rencontrer cette ‘maman roumaine’.
Coca habite le deuxième étage d’une maison de poupée. Au premier
il y a Mircea, son neveu, et au rez-de-chaussée logent sa mère (une vieille
dame très douce) et sa sœur (qui a enseigné le français). Bref, une histoire de
famille. Je rêve déjà d’écrire un roman sur la vie de cette maison, les
souvenirs mêlés de ses habitants. Trois étages, trois générations. Lorsque
je m’extirpe – péniblement – de cet univers feutré, il est plus de 22h.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire