9h : sitôt arrivés, sitôt repartis. Nous
contournons la ville et prenons la direction d’un parc naturel, vers l’ouest.
Mais arrivés à un petit village, les gens nous arrêtent et nous promettent
toutes sortes de choses affreuses (« Quoi ?! Mais vous allez vous
perdre dans cette forêt, la nuit va tomber et vous finirez dévorés par les ours
et les loups ! »). Ils nous enjoignent de rebrousser chemin pour
récupérer une autre route et atteindre un petit monastère appelé Almă. Et ils
nous chargent de provisions : pain, brioche, gâteaux, blé au lait. Un
conducteur nous fait gagner quelques kilomètres et nous remet dans le ‘droit
chemin’.
À Almă, on ne veut pas de nous : il n’y a pas de place pour les
voyageurs. Mais le frère avec qui nous discutons est sacrément bavard : il
veut devenir ami avec nous sur facebook ( !) et nous parle longtemps de
subventions, de gains, de sous, de monnaie, de fric. L’argent est une
préoccupation constante ici, sans doute parce qu’il manque cruellement. Mais
c’est surprenant de croiser un moine fasciné par les réseaux sociaux et la
crise économique. Et terriblement méfiant devant la religion musulmane (à l’en
croire, un vrai fléau en France – pays dans lequel il n’a d’ailleurs jamais mis
les pieds).
Bref, il nous indique un monastère à 5 ou 6 kilomètres de
là : Horaiţa. Le chemin serpente dans la forêt et nos pieds s’enfoncent
dans la neige. Sœur Elena nous accueille avec toute la douceur et toute la
gentillesse dont nous pouvions rêver. Elles ne sont que deux femmes dans ce
monastère de moines. (Je précise que pratiquement tous
les monastères ici sont orthodoxes, par contre, ils regroupent tantôt des
femmes, tantôt des hommes). Et devinez quoi ? Elles sont chargées de la cuisine.
Tâche dont elles s’acquittent ma foi fort bien. Nous avons droit à un repas
chaud (soupe, poisson, riz, biscuits). Dans la chambre où elle allume le poêle,
Elena nous demande en roumain si nous sommes croyants. Je lui réponds que je ne
crois pas en un dieu, mais que le monastère me donne une impression de profonde
quiétude. Elle dit que c’est tout ce qui importe. Elle-même a vécu dans le
monde avant de se sentir ‘appelée’. Elle veut maintenant sentir son âme en
paix, et se consacrer à la prière.
« Peut-être irez-vous plus tard dans un monastère de
sœurs » dit-elle avant de nous quitter.
Je ne saisis que plus tard qu’elle ne parlait pas de tourisme.
Il fallait comprendre : peut-être
que ton amie et toi finirez votre vie dans un lieu comme celui-ci.
Voilà qui est peu probable – mais après tout, dans son regard,
tout devient possible.
Cette nuit, nous dormirons 12 heures, de 9h du soir à 9h du
matin : le tour du cadran.
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