9h. Gaël prend quelques photos de Văratec avant de repartir vers Târgu Neamţ.
Christelle-Laure monte dans un bus en
direction de Iasi, Gaël et moi reprenons la route.
J’apprécie énormément la
compagnie de Gaël, qui est parti à pied de Sainte-Foy-la-Grande en juillet 2012
et ne cesse de bourlinguer depuis. Il réinvente le français à la sauce
pronominale : il dit, par exemple, « je me trace » et « je
me galère », comme vous et moi disons « je me lève » et
« je me prépare ». Avec lui,
je réalise un rêve que je ruminais depuis longtemps : celui de partir sur
la route, sac sur le dos, duvet dans le sac, sans savoir où on va dormir, sans
trajet préétabli.
(Mais déjà je triche, car le sac de couchage que Christelle m’a
prêté n’est pas dans mon sac, mais dans celui de Gaël, mon sac étant trop petit
pour contenir autre chose que deux tablettes de chocolat et une brosse à
dents.)
Gaël n’a pas froid aux yeux, et se fiche de savoir s’il aura un
toit pour la nuit. Il demande à droite, à gauche, et en dernier recours peut
planter sa tente dans la neige et camper là où bon lui semble. Je suis un petit
peu plus frileuse, dans tous les sens du terme. Je n’ai pas d’équipement
suffisant pour envisager sereinement une nuit dehors et je n’ai pas envie
d’être dévorée par un ours ou pire : par un grand méchant loup (il faut
dire que ma rencontre avec un ours au Canada m’a laissé un souvenir
impérissable). Les monastères offrent une solution idéale : ils sont
souvent situés dans un paysage magnifique et accueillent les visiteurs qui
veulent bien s’aventurer en terre roumaine. Encore faut-il les trouver, ces
monastères. Certains ne sont pas indiqués sur la carte, et nous passons
beaucoup de temps à discuter avec des gens dans les villages, à leur demander
conseil, à inventer avec eux un itinéraire.
Partout la même question : mais enfin pourquoi
marcher ? Il y a des bus !
Au-delà de cette incompréhension, je trouve les gens
terriblement bienveillants, et très intéressés par notre petite aventure.
Pourtant on ne cesse de nous mettre en garde : attention, les
tsiganes/Roumains/hommes (c’est selon l’interlocuteur) sont prêts à profiter de
la moindre situation.
Après une belle journée de marche, nous arrivons au monastère de
Groși. Le coucher de soleil sur ce désert blanc donne une apparence presque
irréelle au paysage.
Quand nous posons les sacs, c’est déjà l’heure du repas. Pour
une fois, le réfectoire est rempli (d’habitude nous mangeons seuls, avant les
moines). Qui va là ? Je ne sais pas : je crois que ce lieu accueille
des personnes en difficultés, des hommes et des femmes jeunes et vieux qui
n’ont plus toute leur tête (qui ne l’ont, peut-être, jamais eue). On nous
sert un plat roboratif (mămăligă, fromage, porc) avant de nous donner une
chambre à l’étage.
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