mercredi 27 février 2013

Mercredi 27 février : une histoire de mots


Ce matin, je prends un sérieux petit déjeuner avant d’aller à la bibliothèque.

J’ai dit sérieux ? Je voulais dire solide. Depuis que je suis arrivée ici, je perds mes mots, ou bien je les troque, je les confonds, je les refourgue en douce dans des phrases où ils perdent leur (bon) sens. 

L’autre jour, en parlant avec Jérémy, je cherchais le verbe apprivoiser, et je ne sais pas pourquoi, la seule chose qui me venait à l’esprit était arrondir (vous conviendrez que c’est sensiblement différent). J’ai dit à Jérémy : « Mais si, tu sais, enfin...qu’est-ce qu’il fait le Petit Prince avec le renard !? ».

Heureusement qu’il y a des références que tout le monde partage, Jérémy m’a rendu le verbe que j’avais égaré.

Cela est dû, je crois, à la fréquentation assidue de mon Dicţionar poliglot minimal. Comme j’apprends la traduction de sérieux en même temps que celle de solide, je finis par superposer les deux mots en français. 

Ce Dicţionar poliglot minimal, je l’ai trouvé un matin en France dans ma boîte aux lettres. Quelques jours plus tôt, mon copain Nico m’avait dit « Ah bon, tu vas en Roumanie ? Alors il faut que tu parles avec Vasilică, ma tante, elle a grandi là-bas ». Et d’appeler dans la foulée ladite Vasilică. Nous étions dans une voiture bruyante, il m’a passé le téléphone, et j’ai raconté mon histoire à cette tante sortie de nulle part. « Super ! a dit Vasilică. J’ai fait mes études à Iasi, j’ai un truc qui pourrait te servir, je t’envoie ça par la poste. »

Depuis, ce petit dico me suit partout. Il pourra même aller avec moi en Russie, en Allemagne ou en Hongrie, si mes pas m’y conduisent, parce que chaque mot existe dans huit langues différentes.

Mais revenons à nos moutons. Ce matin, j’ai donc pris un solide petit déjeuner avant d’aller à la bibliothèque. Je n’ai rendez-vous avec personne et je n’aime pas trop manger seule à la cantine : j’ai toujours peur que quelqu’un s’arrête pour me montrer du doigt et se mette à crier « regardez ! elle n’est pas roumaine ! ».

En chemin, je songe que Iasi est aujourd’hui plus grise et plus rétive que jamais. Décidément, il va me falloir arrondir cette ville.

1 commentaire:

  1. Sublime. Non mais, sublime. Et pas question d'arrondir les angles.

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