mardi 12 février 2013

Lundi 11 février : cours, théâtre et code switching



Aujourd’hui, j’assiste à mon premier cours de roumain. Des tas d’organismes proposent des cours à des prix plus ou moins élevés, mais ici c’est gratuit. Et personne ne semble être au courant de l’existence de ces leçons. J’ai découvert ça dimanche grâce à Daniel, qui y va chaque semaine depuis son arrivée. A 15h30, nous débarquons essoufflés dans une salle où se trouvent quelques Maghrébins, deux Grecs, un Italien (il fallait y être à 15h, mais Daniel avait du retard...quant à moi, je me suis tout bonnement perdue. J’ai passé une heure à courir dans Iasi en quête de la place de l’Indépendance, qui était tout mes yeux évidemment, mais qui ressemblait à tout sauf à une place. Les gens à qui je demandais mon chemin me donnaient des informations contradictoires).
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C’est bon d’entendre parler roumain lentement. Je comprends presque tout ce que Claudia, notre professeur, raconte. Mais renversement de situation : Claudia est tellement contente de pouvoir parler en français qu’elle ne me laisse pas m’exprimer en roumain.
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Piata Unirii (Place de l'Union)
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A 19h, je retrouve Voica (que j’ai connue via le site de couchsurfing) sous la statue de la Piaţa Unirii (j'ai triché pour la photo, à 19h ici il fait déjà nuit). Nous allons voir une pièce de théâtre dans la faculté des arts de la scène. C’est une pièce adaptée d’une nouvelle de Kawabata, auteur japonais très connu dans son pays (c’est la première fois que j’entends ce nom). Je rencontre les amis de Voica : Ruxandra, Eugen et Aiko [ ???], une jeune  femme japonaise qui étudie la linguistique à l’université Ioan Cuza. Je ne comprends rien à ce qui se dit sur la scène mais j’apprécie l’ambiance étudiante qui imprègne les lieux. Autour de moi, des tenues extravagantes, des cheveux teints en vert, violet : on joue la carte de la provocation. C’est la première fois que je vois ça à Iasi : dans la rue, toutes les tenues sont identiques, rien ne retient le regard. On est loin de Montréal où jeunes et moins jeunes rivalisent d’excentricité. 
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Après la pièce, nous allons à pied jusqu’à Copou, le quartier universitaire. Voica et ses amis m’emmènent dans un petit bar tout en bois où l’on sert « les bières du Belgique » (je cite la carte). Eugen, un grand bonhomme aux cheveux longs et à la barbe brune, me dit que les bières roumaines ne valent pas grand chose. Elles sont conçues pour être consommées en quantité astronomique : légères, bon marché, sans goût. Dans notre petit bar, nous choisissons cinq bières belges différentes pour une petite dégustation (Duval, Brigand, Maredsous, Kasteel rouge, Kaastel brune, je suis en terrain connu). Pour accompagner le tout, nous commandons deux immenses plateaux de cuisine locale : croquettes de fromage, viande de porc, poulet frit, briques d’épinards. 
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Ce soir plus que jamais, je pratique le code switching : passage d’une langue à l’autre. La discussion est absolument passionnante et pour ne pas en perdre une miette nous devons tous faire des acrobaties mentales. Eugen passe sans cesse du roumain à l’anglais et je me rends compte à un moment donné que je suis incapable de dire dans quelle langue il parle (je le comprends, mais je n’ai pas conscience du code utilisé). Eugen et Ruxandra sont tous les deux passionnés d’informatique. On parle longuement du bouleversement provoqué par internet. Ici, le fossé entre les générations est plus sensible que dans l’ouest de l’Europe. Les gens qui ont connu le régime communiste sont imperméables aux changements. Dans la région de Iasi, le poids des traditions est encore plus fort qu’ailleurs. 
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A 1h du matin, ivre surtout de paroles, je raccompagne Voica chez elle avant de prendre un taxi (le plus effrayant la nuit ce sont les chiens errants). J’ai l’impression d’avoir rencontré des gens qui partagent ma fascination pour la vie des idées. Il y a un plaisir quasi physique à mettre en contact des réflexions, à confronter des points de vue. Quand j’arrive chez moi, j’ai déjà reçu un mail (en anglais) de Ruxandra.

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