Ce soir, je rejoins Voica, Eiko, Marian et tout le petit monde à
La Taverna, un bar en sous-sol qui commence à m’être familier. Impossible
d’ailleurs de tomber dessus par hasard : il faut descendre des escaliers
peu engageants, traverser un tunnel sous la rue et pousser une porte qui
ressemble à l’entrée d’un entrepôt. Aucune enseigne, aucune indication. Je me
demande combien d’autres secrets Iasi recèle dans son ventre.
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Tous les mercredis, le même groupe vient jouer de la musique
traditionnelle. Les gens forment une immense ronde et dansent ainsi jusqu’à
trois heures du matin (en fin de semaine, le bar ferme un peu plus tard, à cinq
heures). Certains airs exercent sur moi une telle fascination qu’ils
justifieraient à eux seuls le voyage (évidemment, je peux les écouter sur
Youtube, mais le charme est plus fort encore quand on a les violons devant
soi).
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Mais allez savoir pourquoi, ce soir une sorte de mélancolie
s’accroche aux visages. Rien de palpable, mais l’ambiance est très différente
de ce que j’ai connu la semaine dernière.
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Je parle avec Eiko en roumain, parce que c’est la seule langue
que nous avons en commun. Voica est hilare quand elle entend une Japonaise et
une Française lancées dans une discussion în
româneşte.
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Je retrouve trois Français que j’ai déjà aperçus ici. Ils se
sont engagés dans un projet passionnant et je prends un grand plaisir à les
écouter. Leur parcours roumain repose sur le principe du 3x4 : l’idée est
de passer quatre mois dans trois villes de taille équivalente pour étudier la
manière dont s’organise le tissu urbain dans les différentes régions du pays.
Première ville : Cluj, en Transylvanie. Celle des trois qui est sans doute
le plus tournée vers le reste de l’Europe, avec une présence hongroise très
forte et un patrimoine relativement bien préservé. Deuxième : Constanţa, au
bord de la Mer Noire. Très fréquentée l’été (c’est un peu la Côte d’Azur
roumaine), un peu ville-fantôme hors-saison. Influences turque et arabe. Dernière
étape : Iasi, plus proche de la Russie. Dans chaque ville, ils filment l’espace,
son organisation, les flux qui le traversent. En les écoutant, je me demande
pourquoi je ne suis pas devenue géographe. Mais c’est oublier que j’aurais
aussi voulu être historienne, philosophe, peintre, linguiste, couturière et
maçon (les deux derniers métiers m’attiraient beaucoup, paraît-il, quand j’étais
enfant). Bref, je vais devoir m’intéresser sérieusement à la métempsychose si
je veux si je veux donner corps à tous ces désirs.
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